L'être humain est une superposition de cercles vicieux. Le grand secret, c'est qu'ils tournent bien d'eux-mêmes. Mais les centres de ces cercles sont eux-mêmes sur un cercle; l'homme sort du dernier pour rentrer dans le premier. Cette révolution n'échappe pas aux yeux des sages; eux seuls échappent au tourbillon, et en le quittant le contemplent - Harmonie des sphères, cosmique des coeurs, astres-dieux de la pensée, brûlants systèmes forgés de chair en chair, car toute souffrance est l'abandon d'une chair, qu'elle soit rouge de sang, orangée de rêve ou jaune de méditation; les astrolabes perce-coeur chauffés à blanc, loin des pièges à bascule, sous les escaliers du démon, et l'air vif du large qui déjà s'épaissit en boue. La trajectoire réelle de l'acier céleste à travers la gorge pendant que les hommes d'en bas s'exercent à éternuer - car on voit tout de là-haut, et tout est vrai de plus de mille façons, mais toutes ces façons ne valent que réunies, bloc-un-tout, dieu blanc-noir, zèbre céleste et plus rapide... oh ! dites-moi, les sauvages n'ont-ils jamais élevé dans la forêt vierge la monstrueuse statue du Zèbre-dieu ? Dieu de toutes les contradictions résolues entre quatre lèvres: et ce n'est même plus la peine, l'élan est donné et le monde croule, et la lumière n'a pas besoin de prismes pour se disperser, et tout le réel changeant immuable - choc des mots, folie inévitable des discours humains, choc-colère cahotant ses cris, ses faux espoirs - escroquerie de Prométhée, qu'il est beau, qu'il est beau ! Prométhée, victoire pantelante soumise aux langues de feu, avec la couronne tourbillonnante des soleils, les petits alliés des hommes... MAIS LES GRANDS ANTI-SOLEILS NOIRS, PUITS DE VERITE DANS LA TRAME ESSENTIELLE, DANS LE VOILE GRIS DU CIEL COURBE VONT ET VIENNENT ET S'ASPIRENT L'UN L'AUTRE. ET LES HOMMES LES NOMMENT
ABSENCES. Qui leur apprendra ce qu'est l'être, et qu'ils ne font que penser le non-être à leur mesure ? Soumis aux langues de feu, tournez votre visage vers les flammes, vers le baiser divin qui vous arrachera les dents d'un seul coup.
1928
in
Le Contre-Ciel suivi de
Les dernières paroles du poëte (Poësie/Gallimard) pp.89/90
René Daumal
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire