Jack l'Eventreur et Fantômas étaient, l'un comme l'autre, des figures d'avant-guerre . Leur univers renvoyait à une époque où les villes revêtaient encore certaines qualités poétiques. Il s'agissait de préserver un peu de fantaisie dans un climat qui laisser présager, déjà, l'imminence d'un conflit mondial. Ce contexte criblé de menaces de guerre et d'interventions militaires poussa Desnos et les surréalistes à défendre un monde révolu, sous forme de rites, de retour à des traditions perdues ou d'hommages à des personnages populaires, en passe de succomber à un nouveau pouvoir. Si la question du meurtre en série, et notamment du féminicide, avait déjà été traitée par les surréalistes dans le cadre de l'affaire du tueur Henri Désiré Landru, bientôt portée à l'écran par Charlie Chaplin, Desnos initia une nouvelle tradition au sein de l'avant-garde française: il ressuscita un mythe en allant jusqu'à imaginer un entretien entre l'Eventreur et un homme qui prétendait l'avoir connu. L'interview était illustrée par une image qui ressemblait beaucoup, soit dit en passant, à un portrait de Desnos lui-même.
Extrait de La Faction Cannibale, éditions Tusitala, p.259, Servando Rocha (traduction de l'espagnol: Tania Brimson & Carmela Chergui)