... MAIS ELLE PERDURE, LA FOLIE

photographie: mat jacob

mercredi 26 février 2014

PIN-UP

Fini de se taire
elle prend la corde et s'incline aux quatre horizons
au nom de la mère de la fille de l'âme et du mystère
le ventre lardé d'aurore elle s'habille
de gris de temps perdu de hardes invisibles
n'être plus vue mais voir n'être plus voulue mais vouloir

Je glisserai une marguerite entre chacun de vos
orteils velus
je vous veux ligoté à cette chaise
avec du scotch mastic dit gaffeur celui qu'on colle sur la scène des théâtres
vos récompenses dorées gisant devant vous
je vous demanderai en outre de pencher la tête
de fixer l'objectif avec un air fâché
je déclencherai une seule fois l'appareil
Merci rhabillez-vous

J'irai vous chercher dans les bars
les cours des écoles publiques
les banques d'affaires les terrains de basket-ball
c'est moi qui tiens la corde entendez-vous ?
je tiens à voir l'effet qu'aura sur votre chair
nacrée ou flasque
veloutée ou non de graisse enfantine
la morsure d'un lien de soie

Je vous ferai des traces comme dans la poussière
comme dans la neige intacte
gardez la bouche entrouverte merci
nous laisserons dans l'ombre vos parties
et lui, qu'il s'allonge sur le siège arrière les yeux clos
la voiture jouera le rôle de Sainte Vierge
ayez l'air mort, c'est ça, ce tissu rouge vous va
si bien au teint
ayez l'air mort
 c'est un jeu
  c'est ce qu'on vous demande

elle a passé des siècles à quatre pattes
la taille étranglée par ceci les seins comprimés par cela
juchée sur des souliers de funambule
les mains paralysées de griffes et de cailloux
c'est un jeu
 c'est ce qu'on vous demande

vient ensuite
l'heure de se déplier
de rendre justice aux gouffres
aux remous de silence argenté
aux cacophonies d'oiseaux-mouches
aux veines où rampentun sang noir piqueté d'étincelles
au manège laiteux des marées
à la naissance des eaux

que Ton absence de nom soit sanctifiée
que jamais Ton règne ne vienne
que l'abolition de Ta volonté soit faite
que Ton désir dénoue les limites du possible



in Pin-Up Chrysalide, Marianne Costa, Maelström & Le Veilleur, pp 38/39

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