... MAIS ELLE PERDURE, LA FOLIE

photographie: mat jacob

jeudi 26 octobre 2023

mur

Il y au fond du monde un mur vert sombre -, 
J'ouvre les yeux tout à coup dans la nuit et très loin 
Je le vois. Avec je ne sais quelle sorte d'yeux 
Je le vois: remuer, un déhanchement de pierres scellées, 
Etroitement maçonnées. Déhanchement qui est un signe 
Qu'il te fait, et tu entends avec je ne sais quel organe 
De ton corps le grand mugissement qu'il lance - 
Ce grand effort de muet qu'il fait chaque fibre 
De ton être l'écoute et le regarde, et tout ton être 
S'emplit d'une énorme lumière vert sombre et d'un cri, 
D'une huée d'effroi, d'un grand balancement 
De cloche folle et éperdue - muette aussi. Et ce mur, 
Le grand bilieux, tu est toute à cette horrible sympathie, 
A ce partage terrifiant, lui une créature aussi, 
Comme toi - il t'appelle. Epouvanté de toi il n'a que toi, 
Tu es sa soeur et son amour il te pénètre - cette lumière 
En toi et ce grondement c'est déjà lui, ce mur t'aime 
Il n'a que toi à aimer entre le fond du monde et cette 
Petite flamme affolée de ta conscience et rien d'autre 
De vivant à ses yeux et maintenant - tu le comprends 
Comme un frère et comme un amant - il te demande, 
Il te supplie qu'en lui tu entres, ainsi, que tu te loves, 
Que tu t'ensevelisses en lui, ainsi, que tu enfonces 
En lui le cri muet et la brûlure glacée de ta joie, 
De ton horreur. Mur amoureux. Mur de ta mort.

Extrait de Derniers poëmes, Evelyne Nourtier in Le Poteau rose, Evelyne "Salope" Nourtier & Louisa Ste Storm, Le corridor bleu, p.182, avec l'aimable contribution d' Ivar Ch'Vavar 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire