... MAIS ELLE PERDURE, LA FOLIE

photographie: mat jacob

samedi 26 décembre 2015

Commande

Ne m'accorde pas de répit, ne me pardonne jamais.
Harcèle mon sang, que chaque cruauté soit toi qui reviens.
Ne me laisse pas dormir, éloigne de moi la paix !
Alors je gagnerai mon royaume
et lentement je naîtrai.
Ne me perds pas comme une musique facile, ne sois pas caresse ni gant,
taille-moi come un silex, désespère-moi.
Garde ton amour humain, ton sourire, tes cheveux. Donne-les.
Que vienne vers moi ta colère sèche d'alumette et d'écailles.
Crie. Vomis du sable dans ma bouche, casse-moi la gueule.
T'ignorer en plein jour m'importe peu
et savoir que tu joues face au soleil et à l'homme.
Partage-le.


Je te demande la dure cérémonie de l'entaille,
ce que personne ne te demande: les épines
jusqu'à l'os. Arrache-moi ce visage infâme,
oblige-moi à crier enfin mon véritable nom.


extrait de Le Nom Innommable,  in Crépuscule d'automne (Ibériques/José Corti), p.156,  Julio Cortazar, traduction de l'espagnol (Argentine): Silvia Baron Supervielle 

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