... MAIS ELLE PERDURE, LA FOLIE

photographie: mat jacob

vendredi 12 octobre 2018

Désert même

La rue des Aubépines n'est pas une rue adulte, malgré ses soixante années d'énervement urbain, pour la bonne raison qu'elle finit en queue de bique. Elle éjacule, elle éternue, elle postillonne et elle vomit: bicoques, guimbardes, et ponce pierrailles sur le terrain vague nonchalamment décrit dans le Monde désert. Une rue stérile, mais non sans intérêt. Il fait presque noir. Je feuillette mon livre. "L'interlocuteur demande alors à Baladine Nikolaïevna: "Mais qu'est-ce que vous poursuivez ?" " Il faut se méfier des artifices du désert intérieur. Le cerveau se dessèche, le rire meurt sur pied, et même le sexe perd ses couleurs, ses ronces et ses épines, si de grands troupeaux d'idées ne viennent plus régulièrement engraisser ses prairies. Méfiez-vous Baladine ! Puis, en fermant le livre, prête à partir vers les lumières de l'hôpital, je lis ces lignes sur la page de garde: L'esclave, le chauve accroupi sur ses talons comme une poule, l'arbre renversé dans un ciel vide, l'église sans beffroi: tous symbolisent la même chose, le même point de synthèse: l'emplacement du phallus absent.

extrait de Histoires nocives (1973) in Oeuvres complètes, p.226 (Michel de Maule) Joyce Mansour 


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