... MAIS ELLE PERDURE, LA FOLIE

photographie: mat jacob

vendredi 23 janvier 2015

étonnant ce "s"...

S'asseoir


Il s'assied.
Non d'abord, ses yeux sont happés par une tache sur les carreaux de la porte-fenêtre. Indirectement, il s'amuse à fixer tantôt la vague forme, tantôt la branche qui un peu plus loin se dandine.
Il s'assied.
Non, mécaniquement il se dirige vers la lumière qui cogne aux carreaux. A présent, il touche la tache des yeux. C'est une goutte de pluie écrasée, dont l'auréole rend son contour sablé.
D'abord, elle lui a dit qu'elle voulait prendre du recul.
Puis, il a tenté de la retenir, par des mots, par des pensées, par de l'amour envoyé.
Il s'est surpris à sentir toute cette vie capable de sortir de lui.
L'ahurissante nouvelle, suivie d'un silence épais et solide, a déclenché en lui l'urgence de vivre, la nécessité de lui dire.
Il est assis.
Il se dit qu'en reculant, elle en a profité pour s'envoler.
Une bonne partie de la nuit, il a laissé les frelons balayer cette surface lisse, résolument imperméable.
Il s'est laissé les entendre, bercé par ce leitmotiv frénétique.
Insensiblement, l'aurore a fini par les chasser.
C'est l'heure bleue. Pas un bruit n'entrave ce délicieux suspens.
Il se laisse envahir par ce présent.
Il s'assied et se met à penser à ces aventuriers qui construisent un voyage et qui partent.
Seuls.
Ils sont seuls dans le monde qu'ils vont dessiner, avec d'autres, bien d'autres.
Ils sont seuls.
C'est étonnant ce "s" à seul.
Il y a comme ça des mots qui semblent résister au pluriel.


in Movimento, Anne-Gaëlle Burban, éditions de l'attente (pp.56/57)



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