jeudi 19 mai 2022

A la plume, le dernier des burlesques.

  J'y dis ça sans afficher ma malice, je la garde juste en moi, il capte bien la réponse en entier, je le sens, tellement je suis proche de son esprit, peut-être même que j'arriverais à me connecter à lui si sa collègue était pas là. Son inquiétude pèse toujours sur notre complicité. Mais je la sens pas hostile non plus, elle voudrait s'immiscer dans notre interrogatoire, à moins (et là je crois que je dois une fière chandelle à la Brigoule) à moins qu'elle cherche à m'alerter. Il faudrait pas que le gendarme connaisse lui aussi le secret de l'infusion et qu'il attende juste que je me connecte à lui, mais ça, je pense que le curé se serait débrouillé pour me le faire comprendre. L'autre possibilité, je le perçois dans un sourire enjôleur, dans ses yeux pétillants, c'est trop beau pour être vrai, ça me rappelle un peu l'expérience avec Pierre, le policier de Clermont-Ferrand, l'autre possibilité donc, c'est que certains policiers ou gendarmes choisissent la piste de la séduction pour mener leurs enquêtes. Mais tout ça me dit toujours pas pourquoi, elle, elle me montre autant son inquiétude. Et que lui s'en inquiète pas le moins du monde. Est-ce que ça pourrait faire partie d'un jeu pour me déstabiliser, la flic inquiète, le flic rassurant. Et lui qui me pose une main sur l'épaule.  

Extrait de Rabalaïre pp824/825, Alain Guiraudie, P.O.L.

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