dimanche 5 juin 2016

l'armée noire

le capitaine fendu s'en fout lui. il s'en fout toujours le capitaine fendu. il danse. il danse les nichons à l'air, car le capitaine a des nichons et ils sont à l'air libre. on voit sauter les tétons durs de capitaine fendu, quand celui-ci plonge sur la piste. quand il roule sur le sol ou quand il remonte sa tête et expulse son corps de la mêlée. il a des bons bras durs le capitaine fendu, ce qui fait qu'il fait valser tout son petit monde sur la piste. la piste transpire. ronron est exténué. il prend tous les livres de la lettre f de la bibliothèque et se met à danser avec. ronron dit: c'est plus reposant de danser avec des bouquins. c'est plus reposant de danser avec le capitaine fendu.

il y avait beaucoup de jeunes autour du capitaine fendu. le capitaine fendu aime bien la jeunesse. en fait il aime l'amour, malgré ce qu'il dit, il aime que ça. mais il se méfie du défi jeune, le défi jeune est une méfiance à tous égards. le défi de la jeunesse. pourquoi faut-il défier la jeunesse qui se défile ? se demande le capitaine fendu. parce qu'après on s'encroûte la tête, on a le cerveau tout plein de croûtes si on prend pas un bain de jouvence, c'est-à-dire un bain tout électrifié et rempli de doutes. on se baigne dans le doute profond et dans l'instabilité électrique. on s'enfonce dans la vie brouillonne. on nage en contradicteur de la contradiction. le capitaine fendu est une sorte de traquenard à lui tout seul. on croit passer une bonne soirée avec le capitaine fendu, alors qu'on met incidemment les doigts dans la prise. on se prend un coup de jus avec le capitaine fendu. car le capitaine fendu vous regarde droit dans les yeux et vous démasque. c'est pas pour autant qu'il ne faut pas avancer masqué. il faut se masquer, mais pas parce qu'il y a le capitaine fendu, il faut avancer masqué tout simplement pour ne pas être désigné. ne pas se sentir mis au pilori de soi-même. car soi-même est une sorte de pilori. soi-même a une sorte de pointe. soi-même est un casque à pointe. et la pointe est rentrée dans le crâne. soi-même est une croix et tout ça pour crâner. mais si on veut crâner, on ferait mieux de signer que d'une croix, comme dans les films de cow-boys, dit le capitaine fendu. on ferait mieux de signer d'une croix que d'apposer son nom à l'art. à tout l'art j'appose mon nom, c'est la pire des erreurs ! il n'aurait jamais fallu avancer de nom, il ne faut avancer que des masques, c'est-à-dire, avancer collectivement en bête, une bête à plusieurs noms. elle a des petits noms et des grands noms. elle a toute sorte de définitions à sortir. elle a tout ça en réserve la bête, elle a un réservoir à caractères. demandez-lui telle empreinte, elle pourra vous la fournir, mais derrière tout un tas d'autres qui attendent, car ce sont des empreintes de meute. c'est une meute de noms la bête. elle n'est pas empruntée, elle emprunte tous les chemins du possible et elle fonce vers l'ailleurs. elle s'enfonce dans le temps la bête noire. c'est une armée, un grouillement de petits parlers, de petits dires qui s'envolent, de petits ratatinements personnels, de petits rires : l'armée noire est un rire qui grouille. un rire de gargouille l'armée noire. un tube à mille goulots. une gargote où ça ploie sous le faire, car le faire c'est ça qui nous anime, dit le capitaine fendu. on n'est animé que dans le faire et pas dans l'attente. l'attente spectaculaire. l'attente culturelle et spectaculaire. tout le monde a du boulot, tout ça qui bosse et tout ça qui grouille et fonce. ça fonce dans l'époque tête baissée, sans se lamenter du spectacle offert.

(...)

Charles Pennequin, Les Exozomes, pp.73/75, P.O.L.


 

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