Harcèle mon sang, que chaque cruauté soit toi qui reviens.
Ne me laisse pas dormir, éloigne de moi la paix !
Alors je gagnerai mon royaume
et lentement je naîtrai.
Ne me perds pas comme une musique facile, ne sois pas caresse ni gant,
taille-moi come un silex, désespère-moi.
Garde ton amour humain, ton sourire, tes cheveux. Donne-les.
Que vienne vers moi ta colère sèche d'alumette et d'écailles.
Crie. Vomis du sable dans ma bouche, casse-moi la gueule.
T'ignorer en plein jour m'importe peu
et savoir que tu joues face au soleil et à l'homme.
Partage-le.
Je te demande la dure cérémonie de l'entaille,
ce que personne ne te demande: les épines
jusqu'à l'os. Arrache-moi ce visage infâme,
oblige-moi à crier enfin mon véritable nom.
extrait de Le Nom Innommable, in Crépuscule d'automne (Ibériques/José Corti), p.156, Julio Cortazar, traduction de l'espagnol (Argentine): Silvia Baron Supervielle
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