jeudi 4 décembre 2014

Heure érogène...

Sous le drap
Bouge
Le chaos
Dans le rire le hoquet
Freine
Trébuche et frappe encore
L'heureuse glotte acérée
La sortie
La fumée lasse L'haleine vaginale
Le dernier souffle de pure perte
Eructe
Plaqué au sol par la pesanteur
D'un seul mot
Quand
Il y a des planches vides de tout désir
Des cheveux qui poussent sur des crânes ensevelis
Des sexes armés pour combattre
L'oubli
Le cerveau dans sa cage
Se croit lion libellule
Machine
Comment peut-on dormir une heure avant la grande nuit
Dernière
L'immense nuit du cri éternel
Il faut chanter la fièvre
La masturbation
Hurler la beauté de la chair
Jouir dans la bouche de la blanche sentinelle

Lévitation sans raideur
Anguilles
Il faut rire dans le vent L'écho
Accède au palier du souvenir vécu
Il faut manger le sexe de son père

Un homme est entré dans Palmyre
Sur le dos d'une petite cuillère
Il plana longtemps
Nébuleuse primitive
En crachant de la poussière lunaire

Un homme est entré dans sa mère
Sans ciller ni rendre son affreux baiser
Il perdit la raison entre ses cuisses de métal bleu
Et la lune se leva nue sur son père

Un homme est entré dans sa tête
Par l'orbite perforée du métro
Il s'aggloméra sans peine
A cet autre corps unique
la moule Marée haute des années vécues
Au plus bas de la nuit
Le sable se ride
La glacière s'allonge
Seul reste le sanglot
Chantre

Un homme
Noeud coulant
Pomme d'Adam
Chien errant Âme slave

Un homme a planté une rave fourchue
Dans l'oeil laqué de son nombril
Au Hasard
Puis accroupi comme un poisson
Dans sa gelée heureuse
Il féconda la terre
De sa mort

Un homme déroba la langue priapique
Et la cacha derrière l'occiput
Astrologique
De la vierge aux pupilles de cire
La guerre éclata dans son corsage ouvert
L'homme courut plus vite
Qu'une me
Déserte
Vers l'étoile qui saignait au loin
Si la haine sème la maladie
L'envie le cancer
Qui surprendra la rusée mandragore
Qui arrachera la pince du homard
Mort

Il y a une théorie du désert
Une musique une mélancolie
La mort migratrice fait des vagues sur le lac hostile
Elle nivelle les années d'écaille
Sur le ventre de la vieillesse-tortue
Son miroir encombré de joncs de marais
L'écorce battue de sa peau peinte
Les îles innombrables de son pubis ensablé
Tout en elle crie
peur
solitude
mensonge
Tout frissonne et rétrécit
L'aube se lève comme une très vieille femme
Le froid mépris de tes yeux une fois la nappe ôtée
Souligne que c'est fini
La mort commune
Passe

Astres et désastres (1969) pp 475/477



Joyce Mansour par Gilles Ehrmann (1960)


Il n'est pas de bonheur plus voluptueux
Qu'en cette pénétration de soi
Par tous les orifices de l'imaginaire
De l'anus grignotant
A la petite bouche de cire
L'homme qui s'est fait femme dans le charnier de son oeuvre
Celui qui traqua son phallus dans les ruelles
Bordées d'ombre
S'est tu s'est tué une fois sa forge
Eteinte
Son sexe pincé
Son pinceau sectionné
Mineur minéralisé dans le tréfonds 
De sa mine
Mort profonde ? Non
Soleil tiré de la pierre
Falaises de marbre en chaussettes de cuir
Aujourd'hui la vieillesse
Galope sur des talons aiguilles
L'arbre de vie ganté de noir
Traîne sa queue encre de Chine
Sur le fil sans fin
De sa toile-écran
Funambule du burin
Faux cils excès de joie bas résille
Cris rauques sous le vernis
Sperme amidon fécule et albumine
Des femmes fleurs s'ouvrent dans l'oeil du printemps
Ocelles de plumes sur un pan de mur évanoui
Leur pubis un volcan
Brûlant et stérile
Leur plaie un lac pierre de lune
Un masque une chimère
Couvre le visage de nuit
La peinture sèche
Un noeud d'angoisse durcit
Un drap défait bande en spirales
Le délire de Pierre Molinier
Vit.

Sens interdits (1979) pp 548/549


in Oeuvres complètes, Prose & poësie, Joyce Mansour (Michel de Maule)




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