Nietzsche est le premier à nous apprendre qu'il ne suffit pas de tuer dieu pour opérer la transmutation des valeurs. Dans l'oeuvre de Nietzsche, les versions de la mort de dieu sont multiples, une quinzaine au moins, toutes d'une grande beauté. Mais précisément, d'après l'une des plus belles, le meurtrier de dieu est "le plus hideux des hommes". Nietzsche veut dire que l'homme s'enlaidit encore, quand, n'ayant plus besoin d'une instance extérieure, il s'interdit à lui-même ce qu'on lui défendait, et se charge spontanément d'une police, et de fardeaux, qui ne lui semblent même plus venir du dehors. Ainsi l'histoire de la philosophie, des socratiques aux hégéliens, reste l'histoire des longues soumissions de l'homme, et des raisons qu'il se donne pour les légitimer. Ce mouvement de la dégénérescence n'affecte pas seulement la philosophie, mais exprime le devenir le plus général, la catégorie la plus fondamentale de l'histoire. Non pas un fait dans l'histoire, mais le principe même, dont découlent la plupart des événements qui ont déterminé notre pensée et notre vie, symptômes d'une décomposition; Si bien que la vraie philosophie de l'avenir, n'est pas plus historique qu'elle n'est éternelle: elle doit être intempestive, toujours intempestive. (
pp 22/23)
Nous, lecteurs de Nietzsche, devons éviter quatre contresens possibles: 1° sur la volonté de puissance (croire que la volonté de puissance signifie"désir de dominer" ou "vouloir la puissance") ; 2° sur les forts et les faibles (croire que les plus "puissants", dans un régime social, sont par là même des "forts") ; 3° sur l'éternel Retour (croire qu'il s'agit d'une vieille idée, empruntée aux Grecs, aux Indoux, aux Babyloniens... ; croire qu'il s'agit d'un cycle, ou d'un retour du Même, d'un retour au même) ; 4° sur les oeuvres dernières (croire que ces oeuvres sont excessives ou déjà disqualifiées par la folie). (
p 41)
in Nietzsche par Gilles Deleuze (puf)
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